Le sucre au plus haut depuis 10 ans !
Bruno De Wulf, Secrétaire général de la CBB

Ne gâchons pas notre plaisir, le sucre de notre récolte 2022 (et très probablement celle de 2023) se vend à des prix dont nous n’osions plus rêver. Le “price reporting” européen du mois de février affiche 804 €/tonne en moyenne (moyenne pondérée des prix et volumes communiqués par les fabricants de sucre à l’observatoire européen des prix du sucre). Pour la zone qui nous concerne (Zone 2, comprenant la France, l’Allemagne, la Hollande et la Belgique) le prix moyen est de 788 € la tonne.
Grâce au système de partage de la valeur, nos prix finaux à la tonne de betteraves (qui seront connus en juin pour la RT et en novembre pour Iscal) devraient être d’une petite vingtaine d’euros supérieurs à ceux des quatre dernières années. Il était temps que cela arrive pour trois raisons :
- Tout d’abord car nous sortons de 4 années (46 mois exactement) de prix de sucre européen moyen en-dessous du prix de référence de 404 €/tonne (du temps des quotas). La betterave n’a donc pas été rentable pendant quatre ans. Une année supplémentaire dans ces conditions aurait probablement fait tourner définitivement la page de la betterave à un grand nombre d’agriculteurs.
- Ensuite car nos prix de revient à la production ont explosé avec la hausse des prix des engrais et de l’énergie, mais aussi des produits de protection des plantes, du matériel et de la main d’œuvre. Sans exagérer, on peut parler d’une hausse du coût de production de plus de 500 €/hectare, soit de 7 € à la tonne de betteraves en moyenne.
- Et finalement, même si les rendements moyens ont été bons à très bons, tous les betteraviers n’ont pas eu la chance de faire des bons rendements en 2022. Pensons aux régions plus impactées par la sécheresse que d’autres notamment. C’est évident, mais un bon prix ne donne une bonne rentabilité que quand il y a aussi un bon rendement !
Sur le long terme, le maintien des rendements nous inquiète tout autant que le maintien de bons prix. Nous avons connu des années d’insouciance où la génétique progressait de façon régulière (2 pourcents d’augmentation de productivité par an en moyenne, cela fait plus de 20 pourcents en 10 ans !), où la boite à outils pour la protection des plantes contre les maladies et ravageurs et pour le contrôle des adventices était régulièrement alimentée par de nouvelles molécules ou de nouvelles techniques innovantes, et où les changements climatiques jouaient plutôt en faveur de la croissance des plantes.
Cette époque est finie, aujourd’hui on fait progressivement le décompte de ce qui nous restera comme solutions à l’horizon 2025, et cela fait froid dans le dos à tout le monde. Cette situation n’est pas propre à la betterave (heureusement), mais notre culture est quand même une des plus impactée, d’autant plus qu’elle est considérée comme forte utilisatrice de produits phytosanitaires et aussi comme culture à risque au niveau de l’érosion.
La CBB essaie d’agir à différents niveaux pour défendre notre droit et notre capacité à produire du sucre. Au niveau européen, par le biais de notre association européenne (la CIBE), nous intervenons dans les débats et prenons position sur de nombreux dossiers. Au niveau belge, nous avons relancé une concertation avec les fabricants de sucre (SUBEL), qui avait été abandonnée après la suppression des quotas. Nous comptons beaucoup sur le fait que nous pourrons mieux nous faire entendre en filière que seuls. Nous sommes persuadés que nos messages à tous les niveaux de pouvoir et de décision seront plus percutants car plus crédibles.
La CBB défend les intérêts des planteurs, c’est sa raison d’être. Négocier au mieux les prix et les accords interprofessionnels et contrôler les réceptions de betteraves sont nos tâches principales. Mais travailler ensemble avec les fabricants à la pérennité de notre filière est une tâche qui devient essentielle et qui requiert un vrai esprit de filière. La CBB y est prête !
PS : Comme le printemps et le beau temps sont tardifs cette année, je pense avoir encore le temps de vous souhaiter un bon semis de betteraves. Surtout n’oubliez pas que ce n’est pas parce que l’on est tard qu’il faut confondre vitesse et précipitation ! ■
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