
13/11/2023 – Une fois de plus, la campagne betteravière en cours ne ressemblera à aucune autre connue. Tout le monde s’attendait à commencer avec des richesses basses, mais personne n’avait anticipé de commencer la campagne fin septembre à la RT avec des moyennes quotidiennes sous la barre de 15,5° de sucre. Certains planteurs ont livré des betteraves sous la barre des 14,5°S qui selon nos accords interprofessionnels est le minimum pour s’appeler betterave « sucrière ». Bien sûr, très vite un accord a été pris de ne pas pénaliser ces livraisons plus que de nécessaire, et le barème de richesse sera appliqué sans pénalités complémentaires. La campagne de Fontenoy a démarré beaucoup plus tard, le 11 octobre, avec des richesses un peu meilleures. Mais espérons que ce démarrage tardif n’aura pas de conséquences néfastes sur les récoltes tardives et les stockages (trop) longs.
Les causes à la loupe
Il sera intéressant d’écouter les ingénieurs de l’Irbab l’hiver prochain sur leur analyse de ce phénomène, où l’on cumule probablement plusieurs facteurs défavorables, comme les semis tardifs, la croissance juvénile freinée par la sécheresse et le vent d’est, les pluies incessantes de la mi-juillet à la fin août, avec leurs conséquences au niveau de la minéralisation tardive de l’azote et de la production de feuilles jusque tard dans la saison. L’arrivée (tardive mais explosive) de la cercosporiose a certainement aussi joué un rôle dans plusieurs régions.
Impact sur les prix et le chiffre d’affaires
A présent les richesses ont augmenté tout en restant décevantes, mais bien souvent on voit que le rendement racines compense et que le sucre à l’hectare atteint des niveaux normaux. Le problème est que, pour un même sucre par hectare, la formule de calcul du prix à la tonne pénalise les basses richesses. Par contre, le prix de base des betteraves à la richesse de référence (18° pour la RT, 17,5° pour Iscal) devrait être supérieur en 2023 par rapport à 2022.
Beaucoup d’entre nous vont donc se trouver cette année dans une situation où ils vont faire à peu près le même tonnage en sucre à l’hectare, avec des betteraves payées à un prix de base supérieur mais avec un calcul du prix à la richesse livrée défavorable. Le résultat de cette équation sera qu’en moyenne nous atteindrons un chiffre d’affaires à l’hectare à peu près similaire à celui de l’an dernier
Innovation et investissements à la RT
Fin octobre, la Raffinerie Tirlemontoise a procédé à l’inauguration de la nouvelle tour de diffusion. Il est important pour une entreprise de communiquer sur ses investissements et sur sa vision à long terme. Une sucrerie est une industrie lourde qui ne peut investir que si elle a une certaine visibilité de son avenir. Dans le cas de la sucrerie de Tirlemont, cette visibilité existe au niveau de la volonté du groupe Südzucker d’en faire une des usines modèles du groupe,
tant au niveau de la performance énergétique que de la création de valeur en livrant des produits finis de plus en plus adaptés aux besoins de l’industrie de transformation. Tirlemont est par ailleurs l’une des trois usines du groupe à produire des produits emballés pour la consommation directe. Les planteurs belges étaient présents à l’inauguration et ont félicité les dirigeants pour cet investissement qui confirme l’ancrage belge du groupe. Ils ont aussi rappelé aux dirigeants de Südzucker que la visibilité au niveau de l’approvisionnement en betteraves à l’avenir manquait de clarté, tant les risques et défis agronomiques, climatiques et économiques de la culture deviennent importants.
Les défis de la période de récolte
Les arrachages sont en cours, parfois de manière pénible à cause des pluies importantes depuis le 20 octobre. L’inquiétude s’est même installée quant à la sécurité d’approvisionnement des usines, car les pluies sont arrivées alors que la phase d’arrachage intensive pour stockage à plus long terme n’avait pas encore commencé. Heureusement que les planteurs et les entrepreneurs ont profité de toutes les fenêtres de conditions plus ou moins correctes pour procéder à des arrachages parfois difficiles.
Protection des betteraves
La protection des betteraves est un sujet qui a beaucoup alimenté les discussions interprofessionnelles suite à la catastrophe de l’année dernière. Tout le monde s’est penché sur les raisons qui nous ont amené à perdre autant d’hectares non arrachés et de betteraves ‘écrémées’ des tas. Et je crois que tout le secteur a compris que nous avons commis une erreur de compréhension des règles de bonnes pratiques de l’arrachage et du bâchage des betteraves. Un article dans ce journal réexplique en détail comment s’y prendre, mais il faut avant toute chose intégrer le fait que les fameux ‘degrés-jours’ que nous pensions être le critère de base d’une bonne conservation nous ont induits en erreur.
La règle que nous avons suivie depuis 10 ans n’était pas la bonne, et cela a couté beaucoup d’argent au secteur en 2022 ! Nous pensions que des betteraves ne se conservent bien que jusqu’environ 300 degrés-jours (30 jours à une température moyenne de 10°, ou 60 jours à 5°), et qu’au-delà les pertes en sucre deviennent exponentielles. Ceci a amené de nombreux agriculteurs à retarder les arrachages toujours plus tard pour pouvoir livrer des betteraves en bon état à des sucreries qui tournent de plus en plus tard.
Mais ce palier de 300 degrés-jours n’est en fait que le reflet d’une moyenne de situations diverses et parfois extrêmes. En réalité, la règle des degrés-jours n’est pas valable car elle dépend avant tout de la qualité de l’arrachage (blessures des betteraves), de la propreté du tas (aéré ou pas), et du soin mis lors de la confection du tas et du bâchage avec le TopTex.
Accordons-nous désormais sur des principes simples :
- Arracher ses betteraves en bonnes conditions pour avoir un tas propre et aéré et des betteraves peu blessées !
- Bâcher le tas rapidement et avec soin !
- Avoir en tête que le niveau de séchage du tas sous la bâche déterminera directement l’impact du gel (dans un tas sec, le gel s’installe moins vite et moins profondément), et que donc il vaut mieux arracher avant le 20 novembre qu’après !
Une betterave bien arrachée et bien protégée perd moins de sucre en tas et conserve plus longtemps ! ■
Bruno De Wulf, Secrétaire général de la CBB
Pour consulter la dernière édition du Betteravier, cliquez ici.
Pour consulter nos communiqués de presse, cliquez ici.